Préface
J’ai succombé à la magie de "Fata morgana" ce qui implique que, lectrice, je deviens un de ses personnages, car je n'ai pas perçu ce roman comme une brève hallucination mais comme un cheminement psychologique qui ne s'éteint pas parce qu'il est authentique, qu’il s'offre enrichi d'éclats poétiques, qu’il persiste, et ennoblit notre humanité.
Au cours des siècles, les peuples - à fortiori les religions - ont trop sacralisé la relation amoureuse, au point qu'il est difficile pour certains de dissocier le corps et l'esprit. Dans cette optique, la jouissance sexuelle est l’ultime récompense de I’amour. Pour d’autres, au contraire, le cœur et le sexe ne se rencontrent pas : Gide séparait son cœur et ses sens - sauf une fois, lors de sa passion pour Marc Allégret - sans jamais, par ailleurs, percevoir le désert sexuel dans lequel il maintenait Madeleine qu’il aimait incontestablement.
Il arrive mais rarement, me semble-t-il, que naisse un amour passionné hors sexe, je pense à celui de Julien Green pour Robert de Saint-Jean.
Grâce à Dominique Piferini nous sommes les observateurs enchantés de Lila et de Serge. Ils se sont rencontrés au mitan de la vie, seuil de la vieillesse que l'on aperçoit comme la terre lointaine où l'on abordera un jour, alors que quelques années auparavant, elle restait invisible.
Serge est professeur d'esthétique et maquilleur de cinéma, Lila est écrivaine. Au cours de leurs échanges, Serge qui était parvenu à une auto-psychanalyse, révèle ses conclusions à travers de multiples relations : ce fut l'amour d'une mère qu'il avait toujours recherché parce qu'il en avait été privé et qu’il en avait souffert au point de vouloir "être un autre".
Lila avait souffert également d'un rejet de la mère dès la naissance. Après une éducation bourgeoise, rigide, après s'être pliée à toutes les disciplines d’un internat de fille de militaire, elle avait vécu des amours successifs, mais les hommes rencontrés n'avaient jamais comblé ses rêves.
Bien des années plus tard, Lila croyait avoir accepté sa solitude. Après sa rencontre avec Serge, grâce à des ondes inconsciemment échangées, elle retrouva les espoirs de sa jeunesse, quand un visage, un regard vous font rêver à des "amours splendides" (Rimbaud)
Elle attendait la réciproque, et se préparait à la grande fête des sens, éclatante de lumière.
L'élégance de la première rencontre du coeur et du corps laissait présager les merveilles de l'avenir: Lila l'avait deviné et Serge l'avait défini : « Notre amour est un olivier millénaire... le temps ne nous est pas compté, il nous est acquis. Nous construisons l'éternité. »
C'est ainsi que Dominique Piférini nous a introduits dans le cercle magique et, grâce à elle, nous croyons à l'amour éternel sous ses multiples apparences.
Eliane Aubert-Colombani