Juillet 2016
C'EST DANS LA MÉMOIRE QUE SE TROUVENT LES FORCES DE L'AVENIR.
On peut appréhender, en quelques dates, l'histoire contem-poraine du mouvement de libération nationale.
1976 : création du FLNC. Le terme d'indépendance n'est pas une revendication dans le manifeste du 5 mai. C'est le droit à l'autodétermination qui est mis en avant comme moyen de "choisir son destin avec ou sans la France". Mais, et c'est là un point fondamental, il est proposé comme premier acte de ce droit à s'autodéterminer la création d'une institution parallèle publique. C'est la raison pour laquelle les fondateurs du Front créent aussitôt des relais publics : I Cumitati Unione e Salvezza di a Nazione en vue de la création d'un Front indépendantiste.
1977 : Publication du manifeste “A Libertà o a morte” qui précise que le droit à l'autodétermination ne peut s'exercer que pour l'indépendance. Cette première année d'existence du Front a été cruciale. De jeunes militants nourris à l'idéologie de l'extrême droite française devaient s'emparer de la direction clandestine et liquider les relais publics (Cumitati Unione e Salvezza) pour mieux installer un pouvoir occulte.
La stratégie de la cunsulta naziunale subissait un premier échec.
De 1977 à 1987, la direction politique du FLNC, contrôlée par ces factions de droite, engageait le mouvement clandestin dans l'atteinte aux personnes alors que jamais les fondateurs du Front n'avaient voulu dépasser le stade de la propagande armée (destruction de biens).
Au cours de ces dix années, jamais la revendication d'indépendance n'a été formulée. Elle a même été combattue avec la dernière énergie par la direction politique droitière au point que dans l'avant-projet de société du FLNC en décembre 1989, l'indépendance était qualifiée de "fantasme institutionnel".
Face à cette dérive, des patriotes regroupés dans "A Chjama per l'indipendenza" (première structure indépendantiste publique créée en 1987) reprirent la proposition stratégique du FLNC en faveur d'une institution parallèle (Cunsulta Naziunale).
A Chjama avait compris qu'il y avait pour le moins une contradiction entre d'une part des actions armées et d'autre part la recherche de solution dans la cadre de l'État. Cette politique du poing levé et de la main tendue ne pouvait conduire qu'à des antagonismes tragiques. C'est pourquoi les militants de A Chjama ont tout fait pour réunir autour d'une même table toutes les tendances du mouvement national à un moment où les scissions se multipliaient (ANC, puis MPA par rapport à la Cuncolta) et où, dans la perspective des élections régionales, on notait des contacts entre la Cuncolta et… le Parti socialiste ! Comme quoi, l'expérience Simeoni aux dernières municipales n'est pas une nouveauté !
En 1992, la coalition Corsica Nazione s'engageait dans son programme électoral à relancer le processus de la Cunsulta Naziunale après les élections. La promesse n'a pas été tenue.
La stratégie de la cunsulta naziunale subissait un deuxième échec.
Et celui-ci fut lourd de conséquences, puisqu'au lieu de l'unité qu'aurait garantie la Cunsulta, ce sont les affrontements dramatiques qui ont suivi en commençant dès 1993 par l'assassinat du militant Robert Sozzi dont la revendication par le FLNC dit « historique » a été applaudie par tous les représentants de la Cuncolta Naziunalista (y compris les trois élus à l'assemblée territoriale) aux Ghjurnate internaziunale.
En 1998 seulement, la Cuncolta naziunalista se déclare indépendantiste. Sous l'étiquette de Corsica Nazione, mais sans alliance avec les autonomistes, elle obtiendra 8 sièges. Les auto-nomistes n'ont plus de représentation à l'assemblée.
En 2002, une nouvelle tentative est faite pour relancer le processus de la Cunsulta à l'occasion d'une réunion générale des organisations du mouvement national. Toutes les composantes à l'exception des autonomistes s'engagèrent dans le processus. En quelques mois plus de 3000 patriotes adhèrent au corps électoral de la nation corse avec le soutien des organisations favorables à l'indépendance.
En 2003, les élections territoriales approchant, un dialogue est entamé avec les autonomistes. Le processus de la Cunsulta est encore interrompu sous prétexte d'élections territoriales en 2004. Malgré la promesse de reprendre le processus après les élections, la principale composante, Cuncolta indipendantista, ne respecta pas son engagement.
La stratégie de la cunsulta naziunale subissait un troisième échec.
Les militants de la Cunsulta se constituèrent alors en Comité locaux, organisèrent deux élections de la Cunsulta et accomplirent un travail important de propositions. Mais l'indifférence et plus sûrement l'opposition de la Cuncolta indipendantista, conduitsirent in fine à une nouvelle suspension de l'activité de la Cunsulta Naziunale.
On ajoutera un détail significatif: compte tenu de son aspect quantitatif important, si la Cuncolta Indipendentista (ou Corsica Libera) avait présenté une liste aux dernières élections de la Cunsulta Naziunale en mai 2011, c'est elle qui aurait eu la majorité. C'est donc de manière délibérée que la concrétisation du 5e point du Manifeste historique du FLNC a été encore une fois empêchée, et ceci dans l'intention de s'unir électoralement aux autonomistes sur leur base politique traditionnelle d'intégration du peuple corse au sein de la Constitution française.
La stratégie de la cunsulta naziunale subissait ainsi un quatrième échec.
Aujourd'hui, il appartiendra à ceux qui se déclarent sincerement en faveur de l'indépendance de relancer ce processus fondé sur une volonté patriotique, citoyenne et démocratique.