PRÉFACE
« Que le don absolu d'un être à un autre, qui ne peut exister sans sa réciprocité, soit aux yeux de tous la seule passerelle naturelle et surnaturelle jetée sur la vie. » ANDRÉ BRETON, L’Amour fou.
Dominique Piferini nous avait déjà étonnés et éblouis avec La Vie en négatif, son précédent ouvrage paru sur le catalogue de À Fior di Carta.
L’intemporelle suivi de L’oubli est dans la même veine, le même style incisif et imagé. Il est porté par une sensibilité à fleur de peau, exacerbée par les engagements de toujours dans les luttes du moment, et à jamais marquée par un ébranlement émotif désormais très ancien, une fusion fulgurante qui, sans jamais se dissoudre avec le temps, n’a jamais pour autant réussi à se résoudre en liaison constante.
Jusqu’où et comment conserver la force primordiale surgie jadis, à des âges où se vivent dans toute leur intensité les révélations brutales, prégnantes et décisives : les coups de foudre et les prises de conscience ? Les deux facettes du « don absolu » dont parle Breton dans L’Amour fou. Don de soi. À un autre. À une cause. Avec la force de l’élan mystique, tant ce don semble porté par ces puissances qui nous dépassent : le désir et le destin. Pas le désir tiède accoutumé à tout positiver en destin fade. L’incandescence. L’enthousiasme. Ce qui porte les pas et propulse la voix au loin, à distance et à l’écart des conventions ordinaires. Don de soi corps et âme, dit-on. Mais le corps soupèse les corps et l’âme les âmes. Comment alors apaiser la chair sans blesser l’esprit ? Sans dissonance entre pulsions et convictions ?
Parfois la vie ne s’écrit pas comme un roman fleuve, mais comme un recueil de fragments, une succession de cascades, donnant des textes à peine plus longs que des nouvelles, mais plus denses et intenses que la plus convenue des littératures sentimentales. À une époque où les pontifes du marché assignent à chaque ouvrage sa niche, Dominique Piferini a trouvé son refuge auprès du plus rural des éditeurs de Corse, à côté de L’Ultimu, le titre emblématique de Jean-Pierre Santini.
Qui verra dans ce catalogue, au-delà des juxtapositions, les convergences ? Pourtant ses œuvres majeures s’y rejoignent sur le thème de l’ultime. Dernier combat. Dernier amour. Dernier espoir d’une génération révoltée de l’après guerre à l’approche, inexorable et amère, de son dernier souffle.
On ne badine pas avec l’amer.
Xavier CASANOVA