Souvent l'hiver, il la retrouvait chez elle à la nuit. Devant un verre d'alcool de myrte, il lui avouait son désarroi face à la déliquescence de l'O.R.C., le mouvement nationaliste dans lequel il avait mis tous ses espoirs, où il avait milité au risque de sa vie. Elle l'écoutait avec une attention toute maternelle. Si elle n'avait pas pris part aux luttes, elle en savait plus que lui sur l'idéologie, les avancées et les échecs de l'organisation à ses débuts. Parfois, elle brûlait d'envoyer au diable la doxologie des combattants et de clamer dans un lamentu l'amour fou qu'elle avait éprouvé pour un de ses chefs, le plus généreux, Marc-Antoine, l'homme probe, tombé sous les balles d'un traitre. Sa mort avait été vengée, mais elle était toujours possédée par le regret de n'avoir pas été celle qui avait tiré sur l'assassin. Elle lui devait la merveilleuse stupéfaction de découvrir au mitan de la vie, une raison d'être.
