Un soir de l’été 2009, animés par l’enthousiasmante volonté de favoriser la promotion de la littérature corse, nous, écrivains et artistes, nous nous sommes rassemblés, à Luri, pour en débattre, et, par delà nos expressions et voix singulières, unir nos énergies dans un combat commun sous le signe emblématique de la si bien nommée in lingua nustrale : « Operata culturale ». Un Manifeste a concrétisé notre ardent appel à une littérature inspirée par l’esprit du Lieu et ouverte sur le monde. L’Autre, Ici comme Ailleurs, est notre désir. Refusant la tentation mortifère d’un régionalisme dépassé, les clichés d’une production folklorisante imposée par la tyrannie d’un marché qui, hier comme aujourd’hui, stérilise la véritable création, nous incitons les écrivains et les artistes à libérer les forces vivifiantes de leur imaginaire.
Le recueil que nous offrons à nos lecteurs veut témoigner de cette ambition. Il se présente comme le blason paradoxal et poétique d’une démarche révolutionnaire, illustrée par un jeu auquel les surréalistes ont donné ses lettres de noblesse : Le cadavre exquis. Au-delà de son aspect ludique, cet exercice se révèle hautement spirituel. Chaque voix originale se fond dans une symphonie. De cette nébuleuse, scintillante sous ses masques, sourd un monde authentique.
Il y a les moments du doute et le temps de la résurrection. Les surréalistes s’opposaient au primat oppressif d’une raison totalitaire. Nous crions, nous chantons contre toutes les oppressions. La culture que l’on a voulu momifier se délivre de ses bandelettes. Le cadavre se dresse, arrache son bâillon pour dire les secrets scellés dans la pierre. Ce thème n’est pas innocent : Le poème-symbole, comme une fronde, lance ses pierres, non pour une lapidation, mais pour marquer les lieux de notre mémoire, y graver notre rêve de liberté. Comme dans la fable, cailloux et galets tracent le chemin.